Traverser la maladie et conserver son activité quand on est freelance

Guérie d’un cancer diagnostiqué en juillet 2017, je reviens sur cette expérience hors normes et la manière dont j’ai pu maintenir mon activité de free lance dans et après la tempête. Je ne souhaite bien sûr à personne de traverser l’épreuve de la maladie, mais je suis bien placée pour savoir que parfois l’imprévu déboule dans notre vie. Que ce soit sous forme de problème de santé ou de difficulté d’une autre nature, quelques précautions peuvent être utiles pour :

  • traverser au mieux une période délicate quand on est travailleur indépendant
  • repartir de plus belle une fois l’épreuve passée.

 

Comment ça, un cancer ?

La veille du jour où l’on m’a annoncé le diagnostic, je participais à un summercamp organisé par une de mes agences partenaires, Kosmoss https://kosmoss.fr/summer-camp-kosmoss-freelances-2017, j’allais commencer la refonte de mon site internet, j’avais des projets plein la tête et je me sentais en forme.

 

Kosmoss summercamp le rendez-vous des free lances
Scribendo pour vous servir, 5e en partant de la gauche

Free lance et maladie

Je suis rédactrice web et consultante en stratégie éditoriale digitale, indépendante, basée à Saint-Étienne. En décembre 2015 j’ai fondé ma startup, Scribendo, qui commençait à bien se développer. J’étais ravie de mon orientation professionnelle qui me permettait de concilier liberté, curiosité et souplesse des horaires.

C’était compter sans le crabe, qui m’a forcée, pendant quelques mois, à rebattre les cartes et concentrer toute mon énergie sur la bataille à mener.

 

La fragilité de la situation de free lance

Contrairement au salariat classique où l’on sait ce que l’on retrouve à son retour au travail, quand on est free lance, on construit son environnement professionnel brique après brique. Du fait de l’impossibilité plus ou moins longue d’honorer ses engagements, le cancer met en péril cet édifice : dans certaines situations on peut retravailler assez vite, ou par intermittence – ce qui a été mon cas – parfois on est obligé de s’arrêter complètement plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

La déferlante du cancer qui s'abat

 

Si les fondations sont solides l’activité tient le coup, sinon cela peut être très dur – et angoissant – de sentir cette partie de notre vie perdre de sa consistance alors qu’on a mis des mois à la construire.

Comment faire face au mieux ?

Piste n°1 : Etre salarié(e) tout en gardant toute son indépendance.

Cela permet d’apporter de la sécurité dans une situation très insécurisante, ce qui n’est pas du luxe.

Un(e) free lance peut être salarié(e)

Quand j’ai décidé de me lancer à mon compte, il y a un peu plus de deux ans, je terminais un CDD. J’avais toujours été salariée, dans différentes structures, et je ne connaissais pas du tout l’univers du travail en free lance. J’ai suivi une courte formation gratuite à la CCI, lors de laquelle j’ai appris l’existence des coopératives d’activité.

Pile ce qu’il me fallait ! J’ai pris rendez-vous avec Sandrine, chargée de développement chez Talents Croisés https://www.talentscroises.fr/ à qui j’ai présenté mon projet professionnel.

Quelques jours plus tard je faisais partie de l’équipe de porteurs de projet.

NB : sur le fonctionnement d’une coopérative d’activités https://www.afecreation.fr/pid14974/cooperative-d-activite-et-d-emploi-cae.html

La coopérative d’activités : garanties du salariat, liberté du free lance

Mon choix était motivé par différentes raisons :

  • être en réseau et partager (mes galères et ;)) mes joies avec d’autres porteurs de projet du territoire
  • participer à un mouvement d’ économie sociale et solidaire
  • bénéficier d’un suivi administratif, comptable et juridique personnalisé : important dans mon cas, la paperasse n’étant vraiment pas ma tasse de thé
  • être salariée – après une période test – pour conserver mes droits à la retraite, au chômage et avoir une meilleure couverture santé (si vous voyez où je veux en venir …)

lemot Freelance écrit sur un tableau

 

La période « test » pour vérifier la fiabilité de son projet professionnel et l’ajuster si besoin est clairement un « plus » de la formule ( https://jecreedansmaregion.fr/service/contrat-cape-cae-1995).

A la fin de cette période, mon modèle économique jugé viable, je suis devenue salariée de la coopérative en mars 2017, tout en restant free lance.

 

Un salaire fixe basé sur le chiffre d’affaires

Concrètement cela veut dire que je reçois un salaire calculé à partir de mon chiffre d’affaires, après déduction des dépenses de fonctionnement liées à l’entreprise. Pour bénéficier d’une certaine stabilité financière, on lisse ce salaire sur plusieurs mois. Il peut y avoir des réajustements du montant si le CA baisse ou augmente fortement. Personnellement j’ai eu la grande satisfaction de réussir à maintenir le montant de mon salaire durant ces huit mois de lutte contre le cancer.

Trois raisons à cela :

  • J’ai pu travailler par intermittence ce qui a regonflé mes finances (et fait du bien au moral !)
  • J’avais de la trésorerie d’avance, ayant opté pour un montant de revenus qui me laissait un peu de marge
  • Quand j’étais en incapacité de travailler l’arrêt maladie à 100% prenait le relais. Et c’est là, bien sûr, où les choix faits en amont prennent toute leur importance.

 

Une prévoyance aussi solide que dans le salariat classique

Je cotise à la CPAM et non au RSI (Régime Social des Indépendants). Je sais que le RSI a été remplacé par la Sécurité sociale des Indépendants depuis début 2018. Il sera intéressant de suivre les améliorations que ce nouveau régime social promet pour les entrepreneurs.

Je parle ici de ce que je connais et qui me convient très bien. Certes mon statut d' »entrepreneuse salariée associée » (titre exact) a un coût supérieur pour moi au statut d’auto-entrepreneur. Mais en tant que membre d’une coopérative d’activités j’ai les mêmes avantages en terme de santé et prévoyance qu’un(e) salarié(e) classique et j’ai pu bénéficier en tout de trois mois d’arrêts maladie sans incidence sur mes revenus, ce qui est appréciable tant sur le plan financier que psychologique.

 

100% garantie

Arrêt maladie et maintien des revenus

A ce sujet, une anecdote :

Je me rappelle de ce jour de septembre 2017 où Nicole, ma référente à Talents Croisés m’a annoncé qu’étant salariée depuis moins d’un an chez eux je ne bénéficiais a priori pas du complément de revenus en cas d’arrêt maladie (et là : moral qui tombe à moins 3000, petite voix intérieure qui dit « chouette ! cancer + revenus divisés par deux = double peine « ) ….. mais que rien ne les empêchait d’être plus favorables que le minima de la convention collective. C’est ainsi qu’avec six mois d’ancienneté j’ai pu bénéficier de l’intégralité de mon salaire, grâce à la compréhension de personnes bienveillantes. Croyez-moi, dans une situation de vulnérabilité et de difficulté :

  • la bienveillance ça fait du bien
  • le maintien du salaire a une importance bien entendu financière mais aussi symbolique et psychologique. Cela rappelle accessoirement que la maladie n’est ni une tare ni une faute, mais une épreuve, qu’il faut tâcher de passer le mieux possible. Et que tout ce qui aide à passer l’épreuve, moralement, est le bienvenu.

Affiche disant que la cancer pris tôt se guérit

Les différences entre coopérative d’activités et portage salarial

Ma situation est proche de celle d’une personne en portage salarial.

Similarités :

  • On verse un pourcentage de notre chiffre d’affaires à la coopérative / entreprise de portage salarial
  • on bénéficie d’un suivi comptable et administratif
  • on ne relève pas du statut d’auto-entrepreneur, comme je viens de l’expliquer, on est salarié(e)

Différences :

  • En coopérative d’activités on bénéficie du réseau de la coopérative, avec des événements organisés régulièrement entre membres
  • le suivi est très personnalisé
  • on peut tester son projet et sa viabilité économique lors d’une période test

L’importance de la protection sociale du freelance

Exercer un travail qu’on a choisi, qu’on aime, qu’on s’est construit sur mesure est une force et je ne regrette pas d’avoir choisi cette voie professionnelle. Mais elle est par définition plus précaire qu’un salariat classique et le choix du statut a son importance. 

L’objectif de cet article, plus qu’une description des avantages de la formule « salariée de coopérative d’activités » (je pense avoir assez insisté :)) est d’inciter à la vigilance en terme de protection sociale, quel que soit son statut. Je connais mal celui d’auto-entrepreneur, voici pourquoi j’ai fait un focus sur ce que je connaissais.
Cet article était un peu long et technique, mais détaillé ! 😉

J’aborderai la prochaine fois la question du réseau et des partenariats de travail.

 

 

 

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