Polyphonic feathers

Il y a mille et une manières d’appréhender la vie à l’étranger. L’expérience de l’ailleurs est avant tout sensorielle : ce sont nos capteurs qui envoient les premiers signaux du changement au cerveau. Paysages, odeurs, sons, goûts…

 

Long Island Sound, paradis des oiseaux

 

Un goéland tout en haut dans le ciel
Jonathan Livingstone, tout là-haut

Ici, à Branford, petite ville portuaire paisible du Connecticut, un détail ne manque pas d’attirer l’attention : la merveilleuse variété des oiseaux qui se partagent le ciel du détroit de Long Island. Il y a les oiseaux maritimes bien entendu, les inévitables mouettes rieuses et des cormorans d’un noir si lustré qu’ils donnent l’impression d’avoir été mazoutés avant de se poser sur les pontons de la marina.

 

rivage Hammonasset Scribendo
Le rivage du Long Island Sound

 

Mais il y a aussi tous leurs copains du rivage et de l’intérieur des terres. Et là, c’est le carnaval de Rio, sons et lumière : comptez sur eux pour vous annoncer avec fierté et mucho décibels qu’un jour nouveau est en train de poindre. Il est 5h30, ils sont déjà en pleine trille. « It’s a new day…. and I’m feeling good » semblent-ils entonner à plein poumons. Nous, humains, sommes acceptés dans un espace de chants, de yodels, de jacassements, de questions réponses mélodieuses qui ne se calment vraiment qu’à la nuit noire.

Je n’ai jamais été une ornithologue distinguée, loin de là. Mais la richesse musicale des ramages locaux est un véritable enchantement pour les oreilles et un marqueur, dès potron minet, de la réalité de notre migration temporaire. ça chante en VO ici.

 

nichoir dans les étangs - Polyphonic Feathers Scribendo

 

Faucons sur leurs perchoirs au coeur des marais,

« American goldfinch » (chardonneret) jaune vif se posant avec vivacité à côté d’une flaque boueuse et illuminant le macadam sale par magie,

Héron au cou interminable scrutant une possible proie,

Grues cendrées frôlant l’eau en escadron serré,

 

Vision onirique de deux magnifiques spécimens entamant un tango aérien sur tempo lent…

 

Ils seraient 400 types différents dans ce coin de la côte Est à se partager l’espace céleste et terrestre avec sérénité, malgré leurs différences de taille, race, couleur, style.

https://www.ctbirding.org/birds-birding/checklist-of-the-birds-of-connecticut/

https://ct.audubon.org/

 

Panneau Bird nesting area article Polyphonic Feathers Scribendo

 

 

Libres comme l’air

La seule photo de l’un deux que j’ai réussi à prendre ne rendait pas justice à sa fulgurante et exotique beauté : un cardinal d’un rouge intense est venu me rendre visite pendant que je travaillais. Insaisissable, voletant de branche en branche autour des arbres de nos voisins, son chant était magnifique, ce qui ne gâchait rien.

 

Arbre sans cardinal
Il était là, sur la branche

 

Au printemps 2014, lors de notre premier séjour ici, j’avais visité avec les enfants encore tout petits, la bibliothèque Beinecke de Yale. Parmi les vénérables pièces exposées dans leur collection ouverte au public se trouve un énorme livre de dessins d’oiseaux réalisés par Audubon. Ce qui fait plaisir, c’est qu’apparemment bon nombre de spécimens répertoriés dans son ouvrage doit toujours exister dans les parages.

https://beineckeaudubon.yale.edu/

 

Audubon birds

 

 

Vole, vole !

Bientôt nous allons retrouver les sons et paysages familiers de notre région de France. Cet été américain achève 5 ans de séjours plus ou moins longs en famille autour de Yale et New Haven, initiés pour raisons professionnelles. Six incursions au total, de deux semaines à trois mois, qui nous ont permis de vivre à l’heure américaine, d’approfondir notre connaissance de ce pays et notamment de la Nouvelle Angleterre, île dans l’île.

 

Branford Marshland

 

Fermer les yeux, quitter les routes, prendre un kayak et s’enfoncer dans les méandres de la Branford River : plus de bruit de voitures, de train, de travaux de bricolages, d’exclamations joyeuses ou courroucées. Le silence troublé par le clapotis des rames dans l’eau, tu entends juste le vent et le chant des oiseaux.

 

Le même chant qui a rythmé la vie des indiens Menunkatuck, jusqu’à l’arrivée des premiers colons européens au 17e siècle. Chant qui a peut-être présidé au deal signé entre la grande sachem Shaumpishuh avec les leaders de la communauté de Guilford il y a de cela 380 ans.

 

signature de Shampishuh : un arc et une flèche
La signature de Shampishuh lors du deal signé en 1639. (source : Henry Whitfield Museum, Guilford)

 

Le même chant, again and again, répété depuis des centaines d’années et qui continuera, imperturbablement, à enchanter ce coin de la planète après notre départ… and life goes on.

 

ciel de Branford