Ma mère du Nord, par Jean-Louis Fournier

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! »

 

Météo marine

Sur la couverture une femme en robe d’été, dans la mer du Nord jusqu’aux genoux, souriante dans l’écume en noir et blanc.

 

ma mre du nord

 

Jolie trouvaille, les bulletins de météo marine (“grand frais en cours sur Pas de Calais”, “mer peu agitée, ridée à belle”) scandent les courts chapitres de cet ouvrage qui termine la série autobiographique que Jean-Louis Fournier consacre à ses proches.

Par petites touches, l’auteur brosse un portrait affectueux de sa mère sous forme d’anecdotes familiales, banales et uniques à la fois, avec une houle sombre en arrière fond : le malheur d’un quotidien rongé par un père et mari bouffé par l’alcool.

En quelques lignes, simples et touchantes, il ouvre la porte de l’obscure maison d’Arras, pour  nous laisser entrevoir cette jeune femme funambule, cultivée, rêveuse qui se croit inadaptée au monde qui l’entoure, jeune fille vive et curieuse devenue “mère Courage” malgré elle, aimante et un peu distante : « ma mère se méfiait de sa sensibilité, comme ceux qui en ont trop. Elle la gardait à l’intérieur. »

Le livre m’a semblé léger, aussi léger qu’une photo en noir et blanc et aussi lourd que le manque.
Il ne m’a pas impressionnée d’un point de vue littéraire, mais deux choses m’ont touchée dans ce court ouvrage, parce qu’elle ne semblaient pas fabriquées :

 

Capitaine d’un bateau ivre

La manière qu’a Jean-Louis Fournier de présenter une femme pleine d’espoir embarquée dans une vie difficile, et qui fait face, devenant mère jour après jour. C’est banal, mais pour paraphraser plus ou moins Simone De Beauvoir, je pense qu’on ne naît pas mère, on le devient. Les anecdotes quotidiennes deviennent le ressac d’une mer qui contient, dans le creux de ses vagues, les renoncements, les joies, les angoisses d’une existence soumise à des tempêtes cachées, sa mère tenant le cap d’un bateau ivre menacé par un mari complètement détruit, qui risque de faire sombrer tout l’équipage.

Ce n’est pas si facile de trouver la distance pour rendre hommage à celle “qui fut la plus grande chance de (sa) vie”. Il y arrive sans pathos.

 

Écrire pour redonner vie

Un trait d’encre de chine sur du vélin.

La pudeur (et la conviction universelle et inconsciente que les parents sont immortels ?) a empêché le fils de lui dire quand elle était vivante. Aujourd’hui Jean-Louis Fournier l’écrivain dédie des pages pleines d’une tendresse un peu rosse à sa mère disparue, « parce qu’elle me manque”.

Ce livre parle de non-dits, d’existences qui s’écrivent jour après jour, de la relation d’une mère avec ses quatre enfants. Avec un talent d’aquarelliste, l’auteur redonne des couleurs à sa si discrète « mère du Nord », « qui ne voulait pas faire de vagues » et qui pourtant en connut quelques unes.