Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur Article blog Scribendo

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur : chef d'oeuvre à voix d'enfant

To kill a mockingbird Scribendo

Certains livres intriguent. Par leur titre, par leur destin ou celui de leur auteur.e, par leur notoriété, tout simplement par leur contenu ...

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur fait partie de cette catégorie : tout d'abord, qui voudrait tirer sur un oiseau moqueur ? (Au fait, quelle sorte d'oiseau est-ce donc ?)

Pourquoi ce livre, pas si connu que ça en France, est un grand classique aux Etats Unis, trônant bien en vue dans chaque librairie un tant soit peu conséquente, lu par nombre de collégiens et lycéens à travers le pays depuis deux ou trois générations (état de fait apparemment régulièrement remis en question, voir l'article paru dans Actualitté en 2017 https://bit.ly/2YuLWBc) ?

Pourquoi Harper Lee, son auteure, n'a t-elle plus écrit aucun livre pendant des décennies, suite à ce coup de maître récompensé par le Prix Pulitzer en 1961 ?

 

Oiseau moqueur
Franchement, qui voudrait tirer sur cette jolie bestiole ?

 

Il était temps de mener l'enquête, ce que j'ai fait au printemps, me plongeant dans sa lecture sans pouvoir le lâcher, ensorcelée par l'histoire de Scout, Jem, Dill, Boo Radley, Atticus Finch, Calpurnia, Miss Maudie, Tom Robinson et les affreux Ewell ...

 

Maycomb, Alabama, années 1930

Nous voici à Maycomb, petite bourgade assoupie de l'Alabama dans les années 1930. Scout, gamine vive et dégourdie, vit pour l'été et tout ce qu'on peut y découvrir. Avec son frère Jem et Dill, garçon mythomane, qui cache derrière son ton hâbleur et ses mensonges sa tristesse d'enfant mal aimé, elle explore, expérimente, tchatche, se cogne (scène impressionnante où elle roule à l'intérieur d'un pneu lancé à toute vitesse dans la rue), teste les limites de son monde, clairement circonscrit entre les maisons des Radley, de miss Maudie et de la grincheuse Madame Dubose.

Les journées s'étirent, sources infinies de jeux, d'émotions fortes et de frissons. Car les enfants font une fixation sur un de leurs voisins, le mystérieux Arthur "Boo" Radley, sujet de tous leurs fantasmes : existe-t'il vraiment ? Est-il un fantôme vengeur ? Pourquoi ne sort-il jamais de chez lui ? Leurs tentatives pour le prendre par la ruse (Dill propose l'ingénieuse idée de laisser une traînée de jus de citron depuis la porte arrière jusqu'à la véranda, que Boo Radley suivrait comme une fourmi. Idée non concrétisée) sont régulièrement déjouées par les adultes qui les entourent : Calpurnia, leur gouvernante noire, à l'affection sévère, Atticus Finch le père, veuf, avocat intègre et droit, perdu dans ses livres ou ses pensées, à la parole rare mais précieuse, Miss Maudie, la voisine pleine de sagesse, ou leur tante Alexandra, arrivée en renfort au grand désarroi de Scout (dont le vrai prénom est Jean Louise), qui ne sait pas comment se comporter devant cette maîtresse femme :

Je ne savais pas quoi lui dire d'autre. D'ailleurs, je ne trouvais jamais rien à lui dire, et je m'assis en songeant aux laborieuses conversations que nous avions eues par le passé :
"Comment vas-tu, Jean-Louise ?
- Bien, merci ma tante, et vous ?
- Très bien, merci ; que deviens-tu donc ?
- Rien.
- Tu ne fais rien ?
- Non, ma tante.
- Tu as bien des amis ? 
- Oui, ma tante.
- Et que faites-vous ensemble ?
- Rien."
A l'évidence, elle me trouvait assommante.

Car leur monde, fait de jeux et de petits drames (l'entrée à l'école pour Scout et l'ennui qu'elle retire de ces journées) vole en éclat quand l'extérieur fait irruption. L'extérieur, c'est la mission qui incombe au père, Atticus, de prendre la défense d'un Noir injustement accusé du viol d'une Blanche. Dans l'Alabama ségrégationniste, cet événement va bien évidemment secouer la petite ville, durcir les relations, révéler la noirceur ou la grandeur de chacun(e) et avoir des conséquences sur les deux enfants d'Atticus, qui découvrent par la même occasion la réalité du racisme.

 

Jean Louise Finch, dite Scout

Il faut un talent rare pour arriver à parler à voix d'enfant, en se mettant vraiment dans la peau de celui qu'on a été, plus encore dans l'enfant fictif que l'on a créé. Il y a une manière de présenter la réalité, onirique, crue, lucide, pleine de bon sens, drôle, oubliée, la plupart du temps. C'est le premier tour de force de Harper Lee, écrivain.e discrète qui raconte le bled fictif d'Alabama, Maycomb, comme un univers foisonnant quoique sur le déclin, où l'arrivée d'un chien enragé est décrite comme une scène du film "Le train sifflera trois fois", où il se passe tellement peu d'événements "réels" - jusqu'au coup de tonnerre de l'accusation de viol puis du procès - en comparaison de la richesse des jeux et de l'imagination du trio Scout - Jem - Dill, avec leur sujet de prédilection : Boo Radley, le voisin invisible - et donc effrayant.

Jem fit une description plausible de Boo : il mesurait près de deux mètres, à en juger par ses empreintes ; il mangeait des écureuils crus et tous les chats qu'il pouvait attraper, ce qui expliquait que ses mains soient tâchées de sang - si on mangeait un animal cru, on ne pouvait jamais en enlever le sang. Une longue cicatrice lui barrait le visage ; pour toutes dents, il ne lui restait que des chicots jaunes et cassés. Les yeux lui sortaient des orbites et il bavait presque tout le temps.

- Essayons de le faire sortir, lança Dill. Je voudrais savoir à quoi il ressemble.

Jem dit que s'il tenait à se faire tuer il lui suffisait d'aller frapper à sa porte.

Notre premier raid se produisit parce que Dill paria "Le Fantôme Gris" contre deux "Tom Swift" que Jem n'oserait jamais franchir la grille des Radley. Et Jem relevait toujours les défis.

Il y réfléchit pendant trois jours. Je suppose qu'il préférait l'honneur à la vie parce que Dill trouva vite l'argument décisif.

Le premier jour il lui dit :

- Tu as peur.

- Non, je suis poli, répondit Jem.

Le deuxième jour il lui dit :

- Tu as tellement peur que tu n'oserais même pas poser un pied dans leur jardin.

Jem répondit que c'était faux puisqu'il passait devant chez les Radley tous les jours pour aller à l'école.

- Toujours en courant, précisais-je.

Le troisième jour, Dill l'emporta en affirmant que les habitants de Meridian étaient moins froussards que ceux de Maycomb.

Les relations de Jean Louise avec son grand frère Jem, faits d'adoration, de vacherie, d'agacement et de complicité fusionnelle sont très bien rendus. Son amitié naïve et forte avec Dill, son "fiancé" de l'été, également.

 

"Salut, Boo"

Le symbolisme du personnage de Arthur Radley, "Boo Radley", comme l'appellent les enfants est superbement maîtrisé, comme un pendant allégorique des événements réels qui secouent Maycomb et ses habitants. Car une des origines du racisme, n'est-ce pas l'incapacité de voir l'autre tel qu'il est, de le comprendre, de l'accepter dans son altérité ?

Au début du livre, Boo Radley est décrit comme un monstre dangereux et fait l'objet de racontars sans fin entre Jem, Scout et Dill. Il personnifie en quelque sorte la Peur, l'Inconnu, le Danger. Car on ne le voit jamais, il ne sort jamais (Tout le monde eût volontiers reçu les Radley, mais ils ne sortaient jamais, manière de vivre impardonnable dans une petite ville). Il attise donc la curiosité et les frissons (Il sort, tu sais, quand il fait complètement noir. Miss Stéphanie Crawford raconte qu'elle s'est réveillée une fois, en pleine nuit, et qu'elle l'a surpris à la regarder à la fenêtre ... que sa figure ressemblait à une tête de mort). Les enfants sont tellement dans leur "storytelling" que rien ne vient contrebalancer l'échafaudage mental qu'ils se sont créés. Pas même les touchantes attentions que Boo a pour eux, encore moins les réprimandes des adultes.

A la fin, la réalité et l'imagination convergent dans une scène dramatique, où Jem et Scout eux-mêmes sont attaqués : focalisés sur un personnage bien inoffensif, ils n'ont pas vu venir le danger représenté par un autre homme réellement méchant, humilié par leur père lors du procès, qui veut se venger. En quelques heures, la petite fille frondeuse et insouciante va plus comprendre sur la vie, le monde des adultes, la violence et la bonté qu'en des mois d'école.

Elle va enfin VOIR Boo Radley, dans tous les sens du terme : Comme je le regardais avec étonnement, je vis son visage se détendre lentement. Ses lèvres s'entrouvrirent sur un sourire timide et l'image de notre voisin fut brusquement brouillée par mes larmes.

- Salut Boo ! dis-je.

Quelques mois auparavant, Atticus avait dit à sa fille :

- D'abord, Scout, un petit truc pour que tout se passe mieux entre les autres, quels qu'ils soient, et toi : tu ne comprendras jamais aucune personne tant que tu n'envisageras pas la situation de son point de vue  ... tant que tu ne te glisseras pas dans sa peau et que tu n'essaieras pas de te mettre à sa place.

En quelques lignes qui m'ont littéralement fait frissonner, Scout se met à la place d'Arthur "Boo" Radley et c'est bouleversant (p. 430-431 dans l'édition du Livre de Poche).

Elle finit par raccompagner cet homme chez lui, par la porte principale. Quand il referme la porte derrière lui, c'est comme si son enfance à elle restait avec lui.

 

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur Article blog Scribendo

 

Atticus avait raison. Il avait dit un jour qu'on ne connaissait vraiment un homme que lorsqu'on se mettait dans sa peau. Il m'avait suffi de me tenir sur la véranda des Radley (...)

Boo et moi nous montâmes sur la véranda. Ses doigts trouvèrent la poignée de la porte. Il me lâcha doucement la main, ouvrit, entra et referma derrière lui. Je ne l'ai jamais revu (...) En rentrant à la maison, je me sentis très vieille (...) je pensai que Jem et moi allions encore grandir, mais qu'il ne nous restait pas grand chose à apprendre, à part l'algèbre, peut-être. 

 

 

Une construction magistrale

La construction de tout le livre est très maîtrisée : les fils de la narration s'enchevêtrent et se promènent tout en étant tenus d'une main ferme par Harper Lee. Chaque scène est vivante, rythmée et enrichit, par touches pastels, délavées ou colorées, l'intrigue. Elles ont toutes leur sens, leur utilité. La scène des rombières de Maycomb venues prendre le thé dans le salon des Finch, présidées par Tante Alexandra, est pittoresque jusqu'au moment où une information, donnée en cuisine, lui donne une tournure sinistre : les rires de ces femmes deviennent alors ricanements de pantins insensibles. Tante Alexandra et Miss Maudie donnent à la jeune Scout une leçon de classe : grâce à elles, la fillette comprend ce que voulait dire sa tante quand elle lui disait qu'il était important d'"être une dame".

L'image de l'oiseau moqueur revient régulièrement, comme une métaphore perlée, dont Scout elle-même explique le sens à son père, durant le seul moment du livre où on le sent démuni, à la fin. Signe encore une fois que la fillette a mûri et qu'elle a assimilé, en une formule, les leçons d'humanisme que lui donnait Atticus tout au long du livre. Tirer sur l'oiseau moqueur, c'est tuer l'innocence. C'est condamner d'avance ce qu'on ne connaît pas et qui pourtant ajoute de la beauté à la vie.

Les oiseaux moqueurs ne font rien d'autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur coeur. 

Quand on referme le livre, les premières lignes, qui semblent anodines, prennent une signification toute autre, preuve du talent de Harper Lee : la montée en crescendo de tous les niveaux de lecture du roman, du début à la fin, la "petite" comme la grande histoire, sont dignes d'une symphonie.

 

Atticus Finch, ce héros

La figure du père, droit, intègre, un peu manichéenne, est centrale : c'est l'incarnation du bien et de la droiture, qui inculque à ses enfants, dans des circonstances difficiles, l'importance du courage et d'une conscience claire. Joué par Grégory Peck dans le film produit par Hollywood en 1963 (acteur abonné aux rôles de types biens, comme Gary Cooper), il semble être la figure paternelle idéale pour transformer une charmante sauvageonne en future adulte sensée et respectueuse.

D'ailleurs Jem et Scout se glissent dans la salle du tribunal pour assister aux plaidoiries de leur avocat de père, dans la partie réservée aux Noirs (ce qui ne manque pas de leur attirer des reproches de la part des bien pensants) : ils assistent directement à la violence feutrée des affrontements verbaux, à la tension qui se joue, et comprennent le rôle essentiel de leur père, qui décide de se battre même s'il ne se fait pas d'illusion sur l'issue du procès dans le Sud ségrégationniste.

Vois-tu Scout,il se présente au moins une fois dans la vie d'un avocat une affaire qui le touche personnellement. Je crois que mon tour vient d'arriver. Tu entendras peut-être de vilaines choses dessus, à l'école, mais je te demande une faveur : garde la tête haute et ne te sers pas de tes poings. Quoi que l'on dise, ne te laisse pas emporter. Pour une fois, tâche de te battre avec ta tête ... elle est bonne, même si elle est un peu dure.
- On va gagner, Atticus? 
- Non, ma chérie.
- Alors pourquoi ...
- Ce n'est pas parce qu'on est battu d'avance qu'il ne faut pas essayer de gagner. 

 

Atticus Finch durant le procès dans le film de 1963
Atticus Finch durant le procès dans le film de 1963

Voici deux dialogues entre le père et sa fille, représentatifs des rapports entre eux, faits de pédagogie et de complicité.

- Atticus, tu dois te tromper ... ?
- Comment cela ?
- Et bien la plupart des gens semblent penser qu'ils ont raison et toi non ...
- Ils ont tout à fait le droit de le penser et leurs opinions méritent le plus grand respect, dit Atticus, mais avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l'individu.

 

- Sais-tu ce qu'est un compromis ? demanda-t-il.
- Une entorse à la loi ?
- Non, c'est un accord obtenu par concessions mutuelles. Voici ce que je te propose : si tu admets que tu dois aller à l'école, nous continuerons à lire tous les soirs comme avant. Marché conclu ?
- Oui, père.
Me voyant prête à cracher, il dit :
- Considérons notre accord scellé sans recourir aux formalités habituelles.

 

Un roman américain

Encensé dès sa sortie aux États Unis, en 1960, en pleine lutte pour les droits civiques des Noirs, ce livre est passé directement du statut de livre culte à classique étudié dans les établissements scolaires aux USA. Il faut dire que le sujet est éminemment américain.

Oui, mais il est aussi éminemment universel. Alors pourquoi n'est-il pas plus connu en France ? Je n'ai pas d'explications, et je ne peux qu'en recommander chaleureusement la lecture. Roman d'apprentissage, témoignage d'enfant, livre enchanteur et très abouti, "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" fait partie de ces bouquins qu'on ne peut pas lâcher une fois commencé.

 

NB : Cette chronique a été écrite en parallèle de celle du blog Textualités. Ayant réalisé par hasard que nous lisions Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur en même temps, nous avons décidé de publier nos articles de concert. Je vous invite donc à découvrir l'analyse qu'en fait Anne sur l'excellent blog https://textualites.wordpress.com/ !


Lapin en retard dans Alice au Pays des Merveilles

Quand ta vie est devenue un Tomato Timer géant ...

Depuis quelques semaines, ce blog prenait paisiblement la poussière, alors que ma vie IRL (In Real Life, pour ceux qui ne fréquentent pas assidûment les réseaux sociaux) se transformait en tourbillon.

 

Le salon de la famille Addams
Mon blog = la maison de la Famille Addams

Présidente de la CAE Talents Croisés et entrepreneure

Devenue présidente de la coopérative d'activité et d'emplois (CAE) Talents Croisés, (coopérative à laquelle je suis très attachée, dont j'ai déjà parlé dans un précédent article) suite à un vote du Conseil d'Administration début janvier 2019, mon activité de free lance s'est trouvé bien bouleversée par le gros investissement, en temps et en énergie, suscité par cet engagement.

Voeux 2019 de Talents Croisés

Un emploi du temps plein comme un oeuf, des rencontres stimulantes, des échanges instructifs, des positionnements à tenir, un cap à donner, des tas d'informations à engranger, une méthode à trouver : un nouveau chemin s'ouvre, qui suppose une adaptation rapide à la nouvelle situation.

 

La vie de freelance : un équilibre sans cesse retrouvé

Et tu réalises que ta vie de free lance est un joli raccourci de la vie en général : tu passes ton existence à trouver un équilibre, qui ne cesse de se rompre pour se recréer, parfois dans la douleur, parfois en te réservant des surprises, des réserves de joie et d'intensité insoupçonnées. Tu (te) découvres, tu te "challenges" (terme un peu galvaudé, mais reprenons la signification du nom : "situation où la difficulté stimule") et tu avances.

 

Funambule sur son fil

 

Je voulais écrire un article sur les trucs et astuces à développer quand on est free lance et qu'on doit gérer un bouleversement dans son emploi du temps et la gestion des priorités, mais en fait tout ça est encore très frais, donc c'est plus un article pour le plaisir d'écrire et témoigner de mes propres ajustements.

 

Les difficultés classiques de la vie d'entrepreneur(e)

Quand tu es free lance, on peut dire ce qu'on veut, il y a un principe : chaque heure de travail doit être productive. Veille, autoformation, rendez-vous client, prospection ou production, ton activité oriente l'ensemble de ta semaine et tu gères ton planning en fonction de priorités, entre plaisir et engagements pris.

Objectif : développer cette activité que tu as choisi et dans laquelle tu t'épanouis.

Les principales difficultés sont :

  • la tendance à l'isolement : quand tu bosses seul(e) devant ton écran une bonne partie de ton temps, vive le coworking, le co-développement, les partenariats et le "co", de manière générale ! Tu confrontes tes difficultés et tes solutions, tu échanges et tu rencontres de nouvelles personnes, voire de nouveaux prospects, of course
  • le manque de rigueur : non, non, non. Tu ne traînes pas sur les réseaux sociaux ni sur les sites d'actus ou autres. Sérendipité oui, vagabonder sur la toile pendant deux heures, non. Et bien sûr, si tu bosses de chez toi, tu évites de faire deux lessives dans la journée, après ton quatrième café et ton 3e paquet de M'ms.
  • Il existe des outils pour t'aider à maintenir la concentration en te laissant des petites plages de décompression, comme Tomato Timer ou Pomodoro. Personnellement, je trouve que le boulot lui-même et/ ou l'urgence sont les meilleurs tomato timers du monde ...

 

La gestion de son temps : de l'orfèvrerie nécessaire

Actuellement, les écueils cités plus haut ne me concernent plus, c'est plutôt arriver à tout caser dans une semaine qui relève de la haute voltige. Car si je prends ma fonction au sein de Talents Croisés très au sérieux, je ne veux pas non plus négliger mon activité pro et mes partenariats de travail.

 

Donc je suggère :

  • travailler dans l'échange, ne pas tout porter seul(e)
  • noter, sur un post it ou sur Trello les tâches à venir
  • s'auto féliciter de ce qui est fait (j'ai de la marge de progression de ce côté-là)
  • tâcher de prioriser les dossiers
  • anticiper le temps à passer sur les tâches
  • se lever une heure plus tôt ... (effort quand on est une marmotte, mais on survit. Testé pour vous)
  • ne pas oublier de se faire plaisir. Moi, un de mes plaisirs nécessaires, c'est d'écrire. D'où la rédaction de cet article ce week end alors que, clairement, il y avait bien d'autres priorités (modification du point 4 : Il est parfois prioritaire que certaines priorités non prioritaires passent devant les priorités identifiées ... vous me suivez ?)
  • écouter de la musique qui met la pêche (objet d'un futur article !)
  • être bien entouré(e)

Lapin en retard dans Alice au Pays des Merveilles

 

Ainsi, on passe le cap. Ce ne sera sûrement pas parfait, mais on garde le sens de ses engagements, sans avoir l'impression de subir la fatigue, le stress ou l'emploi du temps implacable.

Et maintenant je vais aller écouter du New Model Army et je reviendrai lire mes propres trucs et astuces de temps en temps, pour m'ancrer. On n'est jamais si bien servi que par soi-même :)

 

 


Forêt d'Argonne

Salut, Antoine

Forêt d'Argonne

 

Ce matin en me réveillant j'avais oublié quel jour on était.

Seule dans la maison à être debout, j'étais dans la cuisine, occupée à observer le chat des voisins faire l'équilibriste sur le mur de pierre, quand j'ai entendu le pas lourd et monotone du glas.

J'ai ouvert la porte pour laisser entrer le son et pendant quelques instants je suis restée immobile. La lumière du matin était éblouissante, les feuilles du lierre rougies, flamboyantes.

Millions de corps enfouis sous la terre, vies en suspens, terreur, solidarité, chagrin et détresse : il y a 100 ans pile le carnage stoppait. Un carnage né d'un prétexte certes sanglant, mais un prétexte quand même : un archiduc assassiné dans sa calèche un jour de parade.

Dans les convulsions le vingtième siècle est né ce jour-là.

Mémoire des hommes

Je me revoyais un jour de décembre, seule dans le cimetière militaire de Florent en Argonne. La neige avait tout recouvert d'un silence ouaté et le bruit que j'ai fait en ouvrant le petit portail rouillé a résonné fort. Mes traces étaient les seules, aucun moineau n'avait laissé son empreinte légère sur les cristaux blancs.

Après un long moment, des tours, détours et retours en arrière, après avoir lu des noms et des noms, certains avec une croix gravée, d'autres avec un croissant musulman, j'ai fini par le retrouver : Antoine, mon arrière grand oncle, deuxième d'une famille si nombreuse que l'officier d'état civil n'avait pas inscrit les derniers enfants sur le livret de famille ... Antoine dont je ne sais rien, à part deux ou trois infos données par ma grand-mère et les renseignements consignés sur l'avis de décès numérisé sur le site http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php?larub=3&titre=premiere-guerre-mondiale

Né le 18 février 1889, mort au bois de Bolante, dans la forêt d'Argonne, le 28 mai 1915.

 

En terre de Champagne

A l'époque j'habitais dans la Marne. Jusque là, la Première Guerre Mondiale avait été pour moi un épisode d'histoire certes dramatique, mais tellement lointain, confit dans le respect obligatoire des commémorations. Mais en vivant sur cette terre marnaise bouleversée durablement par le conflit, qui lui tournait le dos tout en acceptant cet héritage de mémoire, j'ai compris, très concrètement, ce qu'une guerre infernale ravageait dans des vies, mais aussi dans un paysage. Bourgs disparus de la carte car placés sur la ligne de front, remplacés après guerre par des villages-rues construits à la hâte, vieilles bombes retrouvées en retournant les champs, barbelés mêlés au dénivelé sur les parcours de VTT de la forêt d'Argonne ...

J'ai vécu, durant ces cinq années marnaises, des moments merveilleux, des soirées improbables et géniales, je m'y suis fait des ami(e) précieux/ses, pour la vie, j'ai appris à reconnaître un Champagne à sa couleur, j'y ai rencontré des épicuriens acharnés.

J'ai aussi réalisé, en discutant un jour avec ma grand mère, que dans ce coin de terre dormait pour toujours le frère de son père. Elle se rappelait, enfant, être allée avec son père cheminot, sa mère, sa grand-mère, son grand-père, se recueillir sur la tombe du frère, fils, oncle. Mais après la gare de Sainte Ménehould ses souvenirs se brouillaient.

J'ai donc fait un travail de détective pour reconstituer les mouvements du bataillon du soldat, retrouver, parmi les cimetières militaires qui ponctuent le paysage vallonné entre Marne et Meuse, celui dans lequel il reposait, quand enfin, en ce jour de janvier 2003, je me suis trouvée face à "lui". Je suis restée silencieuse. Toute la nature semblait retenir son souffle, engourdie dans cette belle journée d'hiver.

Je suis restée un moment. Enfin, touchant la croix blanche, recouverte d'un petit chapeau de neige, je lui ai dit "Salut, Antoine. Je reviendrai".  Je suis revenue, une ou deux fois.

J'aimais beaucoup cette forêt d'Argonne. Un jour, un détail m'a frappée : ces bois clairs, au vert tendre, aux arbres fins, ces bois n'avaient pas plus de quatre-vingt ans. La forêt, force vitale, était re-née d'elle-même. Programmes de plantations volontaristes d'après guerre ou poussée naturelle du végétal, le paysage s'était recréé, cachant les traces du carnage, des bombardements, les absorbant, aidant la terre à cicatriser.

Cicatriser, continuer, vivre.

 

arbre

 

 

"Au revoir, là-bas"

Le père de ma grand mère a eu plus de chances que son frère : soldat pendant quatre ans, prisonnier, échappé, refait prisonnier, protégé de manière invraisemblable par une pièce de métal qui l'a sauvé de la balle d'un soldat allemand qui le visait au coeur, il est revenu et a construit ensuite sa famille, mais il a vécu avec cette perte pour le restant de ses jours, comme ses parents et le reste de sa famille. Antoine, son frère cadet, tombé ce matin là dans le bois de Bolante. D'après les renseignements que j'ai pu récolter, ils furent peu nombreux ce matin-là à crever dans le secteur : une offensive isolée du bataillon allemand de la tranchée d'en face l'a fauché, simplement.

Vivre malgré la perte et le chagrin. Toutes les familles de France et d'Allemagne, des familles d'Algérie, du Sénégal, du Canada, de Nouvelle Zélande, de l'Oregon ou du Kent, d'Autriche ou de Roumanie ... ont été touchées par la Première guerre mondiale.

Cicatriser, continuer, vivre. Et se souvenir, aussi.

Salut, Antoine.

 

 


La déferlante du cancer qui s'abat

Traverser la maladie et conserver son activité quand on est freelance

Guérie d'un cancer diagnostiqué en juillet 2017, je reviens sur cette expérience hors normes et la manière dont j'ai pu maintenir mon activité de free lance dans et après la tempête. Je ne souhaite bien sûr à personne de traverser l'épreuve de la maladie, mais je suis bien placée pour savoir que parfois l'imprévu déboule dans notre vie. Que ce soit sous forme de problème de santé ou de difficulté d'une autre nature, quelques précautions peuvent être utiles pour :

  • traverser au mieux une période délicate quand on est travailleur indépendant
  • repartir de plus belle une fois l'épreuve passée.

 

Comment ça, un cancer ?

La veille du jour où l'on m'a annoncé le diagnostic, je participais à un summercamp organisé par une de mes agences partenaires, Kosmoss https://kosmoss.fr/summer-camp-kosmoss-freelances-2017, j'allais commencer la refonte de mon site internet, j'avais des projets plein la tête et je me sentais en forme.

 

Kosmoss summercamp le rendez-vous des free lances
Scribendo pour vous servir, 5e en partant de la gauche

Free lance et maladie

Je suis rédactrice web et consultante en stratégie éditoriale digitale, indépendante, basée à Saint-Étienne. En décembre 2015 j'ai fondé ma startup, Scribendo, qui commençait à bien se développer. J'étais ravie de mon orientation professionnelle qui me permettait de concilier liberté, curiosité et souplesse des horaires.

C'était compter sans le crabe, qui m'a forcée, pendant quelques mois, à rebattre les cartes et concentrer toute mon énergie sur la bataille à mener.

 

La fragilité de la situation de free lance

Contrairement au salariat classique où l'on sait ce que l'on retrouve à son retour au travail, quand on est free lance, on construit son environnement professionnel brique après brique. Du fait de l'impossibilité plus ou moins longue d'honorer ses engagements, le cancer met en péril cet édifice : dans certaines situations on peut retravailler assez vite, ou par intermittence - ce qui a été mon cas - parfois on est obligé de s'arrêter complètement plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

La déferlante du cancer qui s'abat

 

Si les fondations sont solides l'activité tient le coup, sinon cela peut être très dur - et angoissant - de sentir cette partie de notre vie perdre de sa consistance alors qu'on a mis des mois à la construire.

Comment faire face au mieux ?

Piste n°1 : Etre salarié(e) tout en gardant toute son indépendance.

Cela permet d'apporter de la sécurité dans une situation très insécurisante, ce qui n'est pas du luxe.

Un(e) free lance peut être salarié(e)

Quand j'ai décidé de me lancer à mon compte, il y a un peu plus de deux ans, je terminais un CDD. J'avais toujours été salariée, dans différentes structures, et je ne connaissais pas du tout l'univers du travail en free lance. J'ai suivi une courte formation gratuite à la CCI, lors de laquelle j'ai appris l'existence des coopératives d'activité.

Pile ce qu'il me fallait ! J'ai pris rendez-vous avec Sandrine, chargée de développement chez Talents Croisés https://www.talentscroises.fr/ à qui j'ai présenté mon projet professionnel.

Quelques jours plus tard je faisais partie de l'équipe de porteurs de projet.

NB : sur le fonctionnement d'une coopérative d'activités https://www.afecreation.fr/pid14974/cooperative-d-activite-et-d-emploi-cae.html

La coopérative d'activités : garanties du salariat, liberté du free lance

Mon choix était motivé par différentes raisons :

  • être en réseau et partager (mes galères et ;)) mes joies avec d'autres porteurs de projet du territoire
  • participer à un mouvement d' économie sociale et solidaire
  • bénéficier d'un suivi administratif, comptable et juridique personnalisé : important dans mon cas, la paperasse n'étant vraiment pas ma tasse de thé
  • être salariée - après une période test - pour conserver mes droits à la retraite, au chômage et avoir une meilleure couverture santé (si vous voyez où je veux en venir ...)

lemot Freelance écrit sur un tableau

 

La période "test" pour vérifier la fiabilité de son projet professionnel et l'ajuster si besoin est clairement un "plus" de la formule ( https://jecreedansmaregion.fr/service/contrat-cape-cae-1995).

A la fin de cette période, mon modèle économique jugé viable, je suis devenue salariée de la coopérative en mars 2017, tout en restant free lance.

 

Un salaire fixe basé sur le chiffre d'affaires

Concrètement cela veut dire que je reçois un salaire calculé à partir de mon chiffre d'affaires, après déduction des dépenses de fonctionnement liées à l'entreprise. Pour bénéficier d'une certaine stabilité financière, on lisse ce salaire sur plusieurs mois. Il peut y avoir des réajustements du montant si le CA baisse ou augmente fortement. Personnellement j'ai eu la grande satisfaction de réussir à maintenir le montant de mon salaire durant ces huit mois de lutte contre le cancer.

Trois raisons à cela :

  • J'ai pu travailler par intermittence ce qui a regonflé mes finances (et fait du bien au moral !)
  • J'avais de la trésorerie d'avance, ayant opté pour un montant de revenus qui me laissait un peu de marge
  • Quand j'étais en incapacité de travailler l'arrêt maladie à 100% prenait le relais. Et c'est là, bien sûr, où les choix faits en amont prennent toute leur importance.

 

Une prévoyance aussi solide que dans le salariat classique

Je cotise à la CPAM et non au RSI (Régime Social des Indépendants). Je sais que le RSI a été remplacé par la Sécurité sociale des Indépendants depuis début 2018. Il sera intéressant de suivre les améliorations que ce nouveau régime social promet pour les entrepreneurs.

Je parle ici de ce que je connais et qui me convient très bien. Certes mon statut d'"entrepreneuse salariée associée" (titre exact) a un coût supérieur pour moi au statut d'auto-entrepreneur. Mais en tant que membre d'une coopérative d'activités j'ai les mêmes avantages en terme de santé et prévoyance qu'un(e) salarié(e) classique et j'ai pu bénéficier en tout de trois mois d'arrêts maladie sans incidence sur mes revenus, ce qui est appréciable tant sur le plan financier que psychologique.

 

100% garantie

Arrêt maladie et maintien des revenus

A ce sujet, une anecdote :

Je me rappelle de ce jour de septembre 2017 où Nicole, ma référente à Talents Croisés m'a annoncé qu'étant salariée depuis moins d'un an chez eux je ne bénéficiais a priori pas du complément de revenus en cas d'arrêt maladie (et là : moral qui tombe à moins 3000, petite voix intérieure qui dit "chouette ! cancer + revenus divisés par deux = double peine ") ..... mais que rien ne les empêchait d'être plus favorables que le minima de la convention collective. C'est ainsi qu'avec six mois d'ancienneté j'ai pu bénéficier de l'intégralité de mon salaire, grâce à la compréhension de personnes bienveillantes. Croyez-moi, dans une situation de vulnérabilité et de difficulté :

  • la bienveillance ça fait du bien
  • le maintien du salaire a une importance bien entendu financière mais aussi symbolique et psychologique. Cela rappelle accessoirement que la maladie n'est ni une tare ni une faute, mais une épreuve, qu'il faut tâcher de passer le mieux possible. Et que tout ce qui aide à passer l'épreuve, moralement, est le bienvenu.

Affiche disant que la cancer pris tôt se guérit

Les différences entre coopérative d'activités et portage salarial

Ma situation est proche de celle d'une personne en portage salarial.

Similarités :

  • On verse un pourcentage de notre chiffre d'affaires à la coopérative / entreprise de portage salarial
  • on bénéficie d'un suivi comptable et administratif
  • on ne relève pas du statut d'auto-entrepreneur, comme je viens de l'expliquer, on est salarié(e)

Différences :

  • En coopérative d'activités on bénéficie du réseau de la coopérative, avec des événements organisés régulièrement entre membres
  • le suivi est très personnalisé
  • on peut tester son projet et sa viabilité économique lors d'une période test

L'importance de la protection sociale du freelance

Exercer un travail qu'on a choisi, qu'on aime, qu'on s'est construit sur mesure est une force et je ne regrette pas d'avoir choisi cette voie professionnelle. Mais elle est par définition plus précaire qu'un salariat classique et le choix du statut a son importance. 

L'objectif de cet article, plus qu'une description des avantages de la formule "salariée de coopérative d'activités" (je pense avoir assez insisté :)) est d'inciter à la vigilance en terme de protection sociale, quel que soit son statut. Je connais mal celui d'auto-entrepreneur, voici pourquoi j'ai fait un focus sur ce que je connaissais.
Cet article était un peu long et technique, mais détaillé ! ;)

J'aborderai la prochaine fois la question du réseau et des partenariats de travail.

 

 

 


Jonquilles au printemps

Un nouvel article pour le printemps

Ce blog a été en sommeil pendant quelques semaines, pour des raisons de santé. Il sera à nouveau en service d'ici quelques jours, autour du printemps. A bientôt ! :)

 

Jonquilles au printemps

 


The subtle art of not giving a fuck

"L'art subtil de s'en foutre" : une réussite !

The subtle art of not giving a fuck

Alors que je furetais l’été dernier dans la librairie de Yale, aux États-Unis, par un bel après-midi, je suis tombée sur un livre intitulé « L’art subtil de s’en foutre » (« The subtle art of not giving a fuck » en VO) de Mark Manson.

Il semblait me faire un clin d’oeil, je décidai de l’acquérir. Bien m’en a pris, ce livre fut une excellente surprise.

 

Un livre à rebrousse poil

Pour être honnête, je l’ai acheté au feeling (j’aimais bien son titre et sa typo, particulièrement la manière de gérer le politiquement correct dans le mot F-CK) et aussi parce qu’il était à 30% de réduction. Je m’attendais à un millième bouquin de développement personnel sur le « lâcher prise », assorti d’un ton un peu canaille pour relooker le propos, je suis tombée sur l’inverse : un ouvrage d’une profondeur et d’une sagesse aux antipodes de son titre. Un livre qui assume d’être à contre courant de tous les clichés faciles dont on nous farcit la tête : penser positif, guetter la sensation, chercher à être extraordinaire.

 

La vie n’est pas toujours un grand bol de fraises

Pour MM on commence à vivre bien quand on prend à bras le corps la douleur inhérente à toute vie. Ça ne semble pas fun ? Je vous l’accorde. Mais comme je l’avais lu un jour dans un magazine hautement intellectuel (« 20 Ans », mon must read des années 90) « la vie n’est pas toujours un grand bol de fraises ». Depuis quelques mois, pour des raisons de santé, je ne peux pas vraiment dire le contraire. Et pourtant, la vie ne m’a jamais semblé aussi lumineuse : poussée dans mes retranchements, je mène un rude combat, entourée et soutenue par mes proches, et j’ai appris à prendre du recul par rapport à beaucoup de choses, à choisir mes « fucks », pour reprendre le langage fleuri de l’auteur.

 

De quoi se fout-on ?

C’est l’une des clés, selon Mark Manson. Identifier ce qui est vraiment important pour nous et concentrer son énergie dessus. Pour l’auteur, il ne faut bien sûr pas rechercher la douleur (ce n’est pas un livre sur les techniques de masochisme ou sur le meilleur moyen d’attraper une maladie) mais une fois le combat bien identifié, elle fait partie du processus : le reconnaître est une des marches qui mène au bien-être. Ce bouquin m’a aidée, à ce moment de ma vie, à mieux accepter ce qui m’arrivait et j’y ai puisé de l’inspiration.

 

L’art subtil d’écrire un bon bouquin

Avec ses titres de chapitre volontiers provocateurs (« Happiness is a problem », « You are not special »), il nous pousse à interroger chaque notion bien conformiste serinée à longueur de temps. Bien sûr que le bonheur c’est merveilleux, bien sûr que chacun(e) est spécial(e), mais plutôt que revendiquer le résultat, il s’attarde sur la manière d’y parvenir. Et c’est là où ça devient vraiment intéressant. De Metallica à Roméo et Juliette, d’Ernest Becker aux Beatles, de Saint Petersbourg à l’Afrique du Sud en passant par l’Amérique latine, Mark Manson nous offre une lecture jouissive, pleine de sagesse, d’humour et soutenue par une solide culture classique. Plus subtil qu’il n’y paraît !


Les vies de papier de Rabih Alameddine

Magnifiques "Vies de papier"

Les vies de papier de Rabih Alameddine

« Aaliya Saleh, 72 ans, les cheveux bleus, a toujours refusé les carcans imposés par la société libanaise » : ainsi commence la quatrième de couverture d’une de mes plus jolies rencontres littéraires de 2017.

Un personnage attachant

L’auteur, Rabih Alameddine, né en Jordanie de parents libanais, met en place petit à petit personnage et décor. Sous sa plume drôle, alerte, la vieille dame un peu fragile, un peu étourdie, du début du livre se révèle peu à peu : entre passé et présent, elle raconte une existence difficile, sans concessions, au coeur de Beyrouth la superbe, ses soubresauts, sa folie.
Mal aimée petite, plus tard rejetée par son entourage car divorcée et sans enfants, ayant connu comme ses compatriotes une guerre sanglante où chaque jour est un fil prêt à se rompre, elle traverse l’existence comme étrangère au bruit et à la fureur.

 

Une vie intérieure nourrie de littérature

Il faut dire que chez Aliyah, la vie est autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Son vrai trésor, son immense richesse, ce sont les livres. Les œuvres majeures de la littérature mondiale qu’elle lit avidement dans la petite librairie où elle reste employée plusieurs dizaines d’années et qu’elle ramène parfois chez elle.
Car il y a quelques élus, les livres qu’elle se décide à traduire. Là réside la grande entreprise de sa vie, son rituel qui la préserve de tout. Le 1er janvier de chaque année elle commence la traduction d’un nouveau géant de la littérature, dans le secret de son appartement où elle vit seule depuis très longtemps.

Le jour où l’extérieur pénètre chez elle, le jour où ses traductions sont menacées, que va-t-il se passer ?
Ce suspense ne semble a priori pas franchement digne d’un polar haletant et pourtant il est décisif pour le destin d’Aliyah.

 

Le charme d'un univers magique

Ce livre est envoûtant. Parce qu’il décrit une héroïne haute en couleur, très vivante malgré son existence modeste, une femme qui découvre la musique classique dans la collection Deutsche Grammophon sous les bombes de la guerre du Liban, qui décrit avec autodérision et fantaisie ses choix de femme à l’opposé de ce que l’on attend d’elle et qui en paie le prix, sans même sembler s’en rendre compte. Qui prend des risques insensés en plein conflit. Une femme qui subit autant qu’elle choisit la solitude et qui pourtant resplendit de vivacité.

 

Pourquoi je conseille sa lecture :

- Pour la montée en puissance du récit, très maîtrisé, alternant flash backs et superbes descriptions : la montée d’escaliers et ses inénarrables occupantes, avec leur rituel du café quotidien sur le palier du dernier étage / le camp de Sabra / les adolescents s’exerçant à fumer / les changements dans la ville, le lever du soleil sur les toits de Beyrouth ...

- Pour l’amour de la littérature, présent à chaque page : les citations de grands écrivains traversent tout le livre, l’irriguent comme une rivière aux innombrables bras, éclairent, appuient le propos, aident la fluette Aliyah quand elle manque tomber. On sent que la littérature, plus qu’une évasion hors d’un monde illisible, sont sa tentative à elle, son lexique pour tenter de le comprendre.

- Pour la description émouvante de l’existence vibrante d’une femme lucide et attachante, capable de tant de choses si on a sa confiance. Les pages sur son amitié avec la douce Hannah sont magnifiques.

L’auteur alterne réflexions riches, passages bouleversants, descriptions tendres, dialogues drôles. Il est émouvant sans jamais être sentimental. Je recommande chaudement ce superbe livre, où l'auteur parle de la belle Beyrouth et de toutes ces "vies de papier" par la voix d'Aliyah, en s’adressant directement au lecteur.

PS : Je conseille également de faire un tour sur le compte Twitter de Rabih Alameddine @rabihalameddine : il tient une ligne éditoriale passionnante, entre actualité politique et sociale, poésie, art et humour.


Mma Ramotswe detective livre d'A. Mc Call Smith

Mma Ramotswe détective, par Alexander McCall Smith

 

Envie de lecture légère, vivifiante et douce comme un rayon de soleil ?

 

Découvrez l'agence de détectives de Mma Ramotswe !

 20170526 165526

 

Mma Ramotswe est une femme délicieuse découverte au détour de mes vagabondages dans les rayons de la bibliothèque de Juliette, grande dévoreuse de bons bouquins en tous genres.

Rien n'abat Mma Ramotswe, femme solaire pourtant peu épargnée par le destin, qui refuse de s'attarder dans l'amertume ou la tristesse malgré les coups du sort (un divorce sordide et la mort de son petit bébé). Au décès de son père, ancien mineur, elle décide de se lancer dans l'aventure de sa vie : l'ouverture de « l’Agence N°1 des Dames Détectives» de son « pays bien aimé », le Botswana.

A bord de sa camionnette blanche, elle sillonne les routes poussiéreuses du Kalahari et les rues encombrées de Gaborone, la capitale, à la recherche d'indices et de solutions pour régler les mystères les plus épais, débrouiller les écheveaux les plus complexes.

C’était une bonne enquêtrice et une femme de bien. Une femme de bien dans un pays de bien, pourrait-on dire. Elle aimait son pays, le Botswana, qui était une terre de paix, et elle aimait l’Afrique pour toutes ses vicissitudes (…) « C’est mon peuple, ce sont mes frères et sœurs. Il est de mon devoir de les aider à élucider les mystères de leur existence. Telle est ma vocation".

 

On croisera un médecin malhonnête, un mari infidèle, un père trop soupçonneux, une jeune femme indépendante, des crocodiles, un serpent et même une étrange affaire de sorcellerie. Tout ceci résolu avec le bon sens, la finesse et la force intérieure inébranlable de Mma Ramotswe

Rebondissements et suspense des affaires sont certes savoureux en soi, mais ce qui fait tout le charme de ce livre merveilleux, c’est la personnalité de son héroïne et le style de son auteur, tout en émotion retenue et en fantaisie.

 

 

Un style délicieux et sensible

 

Voici deux extraits de ce petit bonheur de lecture, premier opus d'une longue série d'enquêtes : à envisager pour de bons moments de lecture estivale !

 

1/ Sur le quotidien bien organisé de Mma Ramotswe, Precious de son prénom :

Ce matin-là, Mma Ramotswe alla faire des courses. Le rituel du samedi matin était sacré : elle se rendait au supermarché de l’African Mall, puis achetait ses fruits et légumes à la femme qui installait son étal sur le trottoir, devant la pharmacie. Ensuite, elle prenait un café avec des amis à l’hôtel President avant de rentrer chez elle, où elle buvait un demi-bière de Lion Beer assise sous sa véranda, en lisant le journal. En tant que détective, elle se devait d’éplucher les nouvelles et d’entreposer les faits dans un coin de son cerveau. Tout lui semblait utile, jusqu’à la dernière ligne des discours politiques prévisibles ou des communiqués des églises. On ne savait jamais : à tout moment, un fragment de connaissance de la vie locale pouvait se révéler crucial.

 

(...)

2/ Sur la résolution heureuse d'un enlèvement d'enfant, qui lui rappelle de douloureux souvenirs :

Elle se tourna vers la fourgonnette et adressa un signe à l’enfant encore assis à l’intérieur. La portière s’ouvrit et il vit son fils sortir. Alors il poussa un cri et s’élança, puis il s’arrêta et regarda Mma Ramotswe, comme pour obtenir confirmation. Elle hocha la tête et il reprit sa course, trébucha à cause d’un lacet défait, saisit son fils et le pressa contre lui, en hurlant des paroles incohérentes, afin que le village entier, que le monde entier pût entendre sa joie.
Mma Ramotswe retourna à la fourgonnette. Elle ne voulait pas perturber le moment intime des retrouvailles. Elle pleurait, des larmes qu’elle versait aussi pour sa petite fille à elle. Elle se souvenait de cette main minuscule qui avait agrippé son doigt, l’espace d’un si bref instant, en tentant de s’accrocher à un monde inconnu qui s’en allait déjà, si vite … Il y avait tant de souffrance en Afrique qu’on était parfois tenté de hausser les épaules et de s’éloigner. Seulement, on ne pouvait pas faire cela, pensa-t-elle. On ne peut pas.

 

 

Un auteur né au Zimbabwe

Alexander Mc Call Smith est un auteur britannique né au Zimbabwe où il a grandi. On sent à chaque page un amour du continent africain, un rappel sensuel des sons, des couleurs, des parfums. On suit les tribulations de son attachante héroïne d’autant plus facilement que son style est empreint d’un humour tendre et d’un optimisme plein de sagesse. Il alterne avec maîtrise les scènes « d’action », les dialogues, les passages plus contemplatifs et l’émotion.

 

Il a apparemment développé une autre série, les Chroniques d'Edimbourg. Plus brumeuse probablement, aussi jubilatoire je n'en doute pas !

 

 

 

 


Gore Vidal Palimpseste

Palimpseste de Gore Vidal

 

Dandy américain

 

Gore Vidal

 

 

 

Il a traversé le vingtième siècle avec désinvolture, cynisme et une étrange sincérité.

 

Tout est surprenant et inattendu avec Gore Vidal : issu de la grande bourgeoisie bon chic bon genre de la Côte Est, il s’en démarque pour devenir le premier écrivain ouvertement gay, revendiquant son homosexualité dans un pays très conformiste. Dandy ironique, il se lance avec fougue et conviction dans les campagnes sénatoriales. Démocrate convaincu, il est écoeuré par la légèreté et les mensonges de la famille Kennedy, qu’il a bien connue :
Déjà à cette époque je trouvais que la famille en dehors de Jack (John Kennedy), était assez pitoyable, et que le père n’avait sa place qu’en prison. 
Séducteur assumé, papillonnant d’homme en homme, il cache pourtant un jardin secret, une blessure.

 

 

Hollywood + Washington

Ces paradoxes font tout l’intérêt de cet imposant « Palimpseste » que je n’ai lu d’abord que d’un œil distrait. Je trouvais le début assez plat, sans style, sans cohérence temporelle. Puis j’ai trouvé les allers retours entre passé et présent maîtrisés, son apparente superficialité de chroniqueur des potins de Hollywood se faisait tout-à-coup pleine de réflexion, faisant appel à Montaigne alors qu’il parlait des scénarios qu’il rédigeait pour la Paramount.

De Franck Capra, le réalisateur d'"Arsenic et vieilles dentelles" (décrit comme un paysan sicilien superstitieux et maccarthyste) à Tennessee Williams, (« L’Oiseau », comme il l’appelait), de Greta Garbo, drôle et taciturne à Paul Newman, « star avant d’être acteur », on découvre plein d’anecdotes. Sans compter que son impressionnant carnet d’adresses est un régal pour une cinéphile amatrice de politique et de littérature : Jackie Kennedy, Cary Grant, Hillary Clinton, Truman Capote, Tennesse Williams, Jack Kerouac et Allen Ginsberg : ils les a tous côtoyés plus ou moins longuement.

 

 

Jackie Kennedy

 Jackie Kennedy

 

 

Trois sujets fondamentaux :

La littérature et la création littéraire

Vidal fait la synthèse, dans son livre et dans sa vie, entre écriture « de commande » et écriture de ses propres livres. Il a besoin d’argent, ne s’en cache pas et écrit des tonnes de scénarios pour Hollywood et de pièces pour Broadway ou le West End londonien. Ses maîtres sont l’écrivain français Montaigne et l’auteur latin Lucrèce. Face à Allen Ginsberg, pape de la Beat Generation, qui se moque de son statut de riche auteur à succès, il montre le respect qu’il a pour l’écriture et dévoile un sens moral surprenant, ce qui est l’occasion d’un beau débat entre ces deux écrivains radicalement différents :
"Juste au moment où je commençais à comprendre ce que pouvaient être l’écriture et le meilleur moyen d’étudier la vie, vous êtes arrivés en prêchant un mysticisme confus, genre Étoile d’Orient. Je voulais que les gens réfléchissent. Vous vouliez qu’ils existent. Eh bien, ils existent, de toute façon. Mais encourager le public le moins instruit – et le plus exposé à la propagande – à ne pas réfléchir sur les raisons pour lesquelles les choses sont ce qu’elles sont, cela relève de la cruauté ». (…) Nos divergences étaient totales.

 

L’engagement politique

Il a une franchise et une droiture dans son engagement politique qui détonnent avec le milieu compassé et plutôt conservateur dont il est issu. Avec énergie et un certain courage, il assume son engagement de gauche à un moment où le maccarthysme fait rage et coupe net certaines carrières. Il est un observateur sévère de la société de son pays et son impérialisme ravageur.

Juste derrière le beau bâtiment blanc neige de la Cour suprême, les rues ont l’air d’avoir été bombardées au cours d’une guerre perdue il y a déjà bien longtemps ; C’est là que vit la majorité noire de la ville. Et les occupants du Capitole continuent à parler avec insouciance de la démocratie, de la justice, des droits de l’homme et du monde libre. Heureux le pays sans mémoire collective. Mais pour peu que l’on observe les tableaux et les statues qui ornent les bâtiments et les jardins publics, on se rend compte que tout le monde a été avalé par le temps ou remodelé pour répondre aux nécessité actuelles, comme Lincoln, que les instituteurs nous vendent désormais comme un abolitionniste ressuscité.

 

L’homosexualité

Il en parle avec simplicité et crudité. Pour lui, la société américaine a un sérieux problème, en catégorisant, refoulant, ostracisant l’homosexualité alors qu’il la vit comme une évidence paisible.

 

 

Le créateur de son propre personnage

En fait, tel un Palimpseste (voir mon article précédent sur ce sujet) qui donne son nom au livre, un deuxième visage se révèle peu à peu sous le premier, qui est peut-être un masque, peut-être pas. A la fin de la lecture, on a ainsi fait connaissance avec :

Gore Vidal n°1, se décrivant lui-même, avec aplomb, comme un « serial séducteur » insensible, aux centaines de conquêtes, qu’il décrit avec détail et complaisance. Il se conforme pour le public au personnage qu’il a décidé de créer, mais qu’il est, sans doute, aussi : arrogant, mondain, cynique, insensible, superficiel.

Gore Vidal n°2 : profond, sincère, engagé, courageux, honnête, avec une droiture morale en contradiction avec Gore Vidal n°1.
J’aime bien ce passage qui montre la dualité de l’homme, en pleine soirée « mode et politique » sous les Kennedy, à la Maison Blanche :
Mes nerfs - qui ne sont déjà pas un cadeau quand tout va pour le mieux – étaient mis à rude épreuve et j’interprétai cela comme la revanche d’Apollon pour me punir d’avoir tardé à réorienter ma vie, comme je me l’étais promis. Je n’ai jamais aimé les mondanités, d’aucune sorte et plus elles sont pompeuses et moins je les aime. Les affaires de clan, si l’on n’est pas membre du clan, ont quelque chose de cauchemardesque : tout le monde essaie d’attirer l’attention du souverain. Mieux vaut, de loin, lire Saint Simon que de regarder bêtement le Roi-Soleil flamboyer.

Son habileté, sa liberté d’écrivain est de laisser les deux interprétations ouvertes. Au lecteur de se faire une opinion. Lui referme le livre et tire sa révérence : « un honnête homme, c’est un homme mêlé », disait Montaigne.

  

 

  Montaigne par Enki Bilal

 Montaigne par Enki Bilal

 

 

 

 

 

 


Palimpseste rectoGF

Palimpseste, mot du jour

 

Palimpseste rectoGF

 

 

Drôle de mot

Palimpseste. Nom masculin. Rencontré lors de mes premières semaines en classe prépa Lettres.
Je trouvais qu’il sonnait mal – pas facile à prononcer, d’une obscurité de snob.
Lorsque j’ai compris sa signification, j’ai trouvé ce mot superbe car il est l’essence même de l’histoire littéraire.

Un palimpseste est un parchemin médiéval que les copistes soucieux d’économies grattaient pour écrire par-dessus le texte précédent. On peut sur certains discerner nettement les inscriptions précédentes, impossibles à effacer sous les nouveaux écrits. A l’heure du digital, de l’évanescence de mots aussi vite envoyés que supprimés, cela met un peu de concret, du brut.

Voilà pour le sens premier.

 

Intertextualité universelle

Plus largement, le terme décrit le processus qui consiste pour un écrivain à s’approprier consciemment ou inconsciemment les écrits des auteurs qui l’ont précédé. Il y aurait donc plusieurs voix dans une œuvre, certaines s’étant tues depuis longtemps et ressortant comme des ombres entre les lettres du texte.
Cette « intertextualité » est comme un maillage géant en 3D, passé, présent et futur. Un héritage universel enrichi potentiellement à chaque nouvel opus.

Cet ajout continu, ces traces laissées d’une œuvre à l’autre jusqu’à créer un fil jamais rompu depuis Homère et l’épopée de Gilgamesh se retrouvent dans tous les autres arts. Un Velasquez a récemment été restauré sous l’oeuvre d’un peintre mineur de son atelier. Beethoven, très marqué par la musique de Haydn et Mozart, s'en dégage pour créer son propre génie mais aurait-il été Beethoven sans ces deux illustres influences ?

 

Aujourd'hui la notion de palimpseste est à la base du travail de nombreux artistes.

Ce site quant à lui, présente les enjeux qui se cachent sous les cartes du monde avec ses "palimpsestes cartographiques": https://oucarpo.wordpress.com/tag/palimpseste/