Albert Cossery, le dandy à rebours

Les livres d’Albert Cossery sont uniques. Je ne les ai pas tous lus. J’en ai lu trois : Les Fainéants dans la Vallée Fertile, La violence et la dérision, Un complot de saltimbanques, il y a 20 ans. Je découvrais alors d’autres manières de penser.

Son style, à la fois coloré, ironique et implacable, tient l’émotion à distance. Maniant la dérision et la compassion dans une même phrase, il a bâti une œuvre profondément originale, à contre-courant de la plupart des publications actuelles. Dans ses livres, l’oisiveté est élevée au rang d’idéal vécu, le travail est vu comme la pire des aliénations, la liberté se trouve dans le dénuement. Ces thèmes, enrichis et approfondis au fil du temps – un livre par décennie, une ligne par jour, tel était son rythme – n’étaient pas une posture littéraire. Albert Cossery, dandy à rebours originaire du Caire, débarqué à Paris à trente-deux ans en 1945, a passé la majeure partie de sa vie à observer l’existence à la terrasse des cafés de Saint Germain des Prés. Riche de quelques vêtements et d’une théière, il fut pensionnaire du même hôtel pendant des années, voyageant dans sa chambre. Ses personnages, hauts en couleur, princes sous leurs haillons, d’une dignité décelable à chaque phrase, s’interrogent l’air de rien sur la vie. J’ai beaucoup aimé découvrir cet auteur provocateur, son audace tranquille, la puissance de son style et sa philosophie radicale, qui a élargi mes horizons de pensée. Un bémol : son traitement caricatural des personnages féminins, tantôt objets de désir pour les hommes, tantôt source d’emmerdements infinis, jamais vus comme des sujets capables d’action ou de pensée. Faut-il en conclure qu’Albert Cossery ne s’adressait qu’à la moitié de l’humanité ? Puisque les livres échappent à leurs auteurs, cette question n’a plus d’importance.

 

 

 violence

fainant

 

complot

 

« Je ne peux pas écrire une phrase qui ne contienne pas une dose de rébellion. Sinon elle ne m’intéresse pas. »